Le syndrome de l’imposteur concerne-t-il tout le monde ? Oui. Chacun le rencontre, un jour ou l’autre. Il s’agit d’un trouble psychologique de “doute de soi” qui peut empêcher de savourer son succès. Ce trouble est chronique et fréquent chez les personnes ayant réussi et parmi les minorités raciales. Les personnes souffrant de ce complexe minimisent leurs succès et se focalisent davantage sur leurs erreurs et leurs échecs. Elles ont tendance à attribuer leurs réussites à des facteurs extérieurs comme la chance, le hasard, un malentendu, ou à les minimiser « ce n’est pas aussi bien que », « c’était facile par rapport à… », « ça ne vaut pas … » en se comparant constamment aux autres. Ça vous parle ?
En Chine, la très forte pression parentale des enfants à la réussite scolaire et sociale, est un bon terreau pour faire pousser ce syndrome. Ce pattern confucéen se perpétue dans la diaspora chinoise de par le monde. Les enfants de « tiger mum » (hu ma en chinois) interrogés dans un article récent* évoquent l’insatisfaction permanente qu’ils éprouvent, le sentiment de ne jamais être à la hauteur, dans une quête perpétuelle de perfection. Karen Ng, 29 ans, docteur en pharmacie qui vit au Canada depuis l’âge de deux ans n’a jamais célébré ses réussites académiques, ne se trouvant que des défauts. Ses parents ont désapprouvé sa décision de choisir un programme en pharmacie plutôt qu’en médecine : “Non seulement je ne suis jamais satisfaite de moi, mais j’ai constamment peur de faire des erreurs dans les situations à fort enjeu. Mes professeurs pensaient que je n’avais pas le niveau alors qu’en fait j’avais besoin de réassurance et de validation que j’allais dans la bonne direction”. Cette croyance la coupe de ses intuitions et de sa confiance en elle.
Victoria Yu, 26 ans, une Sino-Américaine née à Los Angeles, a toujours ressenti l’impératif de faire aussi bien que ses parents. Bien qu’ils lui laissent une relative liberté, elle sent qu’ils attendent d’elle qu’elle performe. Au lycée, les parents parlaient de qui allait entrer à Harvard, Yale, Princeton, USC, UCLA, etc…Mais Victoria a choisi d’étudier la littérature comparée dans une université moyenne. “Etant influencée par mes … parents, j’ai internalisé que le succès c’était un travail de bureau avec un titre ronflant … Ma mère voudrait que je devienne consultante chez McKinsey, c’est son image de la réussite.”
Le Peng Tee, 25 ans qui est Malaisien voulait entrer dans une université de Ivy League mais n’a pas réussi et vit cet “échec” dans le regard des autres qu’il trouve toujours mieux que lui.
Jessie Wu, 23 ans qui travaille dans une banque taiwanaise à Taipei, vit aussi une forte pression parentale qui la fait douter d’elle-même. ”Ma recherche de perfection me rend très ambitieuse et m’empêche d’être satisfaite. Quand je sors le soir après le bureau, ma mère s’inquiète du fait que mes activités sociales ne bénéficient pas à mon développement de carrière.
Une tristesse se dégage de ces témoignages, une impression de gâchis. Cependant, il n’y a pas de fatalité : il est possible de se débarrasser de son syndrome de l’imposteur ! De nombreux clients, dont le point commun est d’être ultra compétents, invitent ce syndrome en séance de coaching. Il est alors possible de l’explorer et de le démasquer afin de lui dire adieu.
Directrice marketing, Louise est convaincue que son éducation de type « tiger parenting » explique pourquoi elle ne célèbre jamais ses réussites et minimise ses contributions lorsque son manager la félicite. Elle a d’ailleurs hésité à accepter la proposition de coaching. N’était-ce pas la preuve qu’elle n’est pas assez compétente ? Mais son manager a tranché lors de la réunion de lancement du coaching : « pour continuer d’évoluer dans l’organisation, j’ai besoin que tu progresses dans la façon dont tu prépares tes dossiers. Tu y passes trop de temps alors qu’ils sont déjà parfaits. De plus, je souhaite que tu démontres plus d’assurance vis-à-vis de tes pairs et de ton équipe » Louise a finalement vu dans ce coaching l’opportunité d’échapper à la tyrannie du syndrome de l’imposteur pour oser enfin prendre sa place avec fierté.
Victor, consultant dans un cabinet de conseil, parle également de cette difficulté qu’il a à assumer son brillant parcours et son leadership. « Polytechnique, bah ça a été un coup de chance…Devenir le plus jeune partner de ma boîte, … en fait, je ne pense pas le mériter ». Il dit avoir toujours été très poussé par son environnement familial : « échouer n’a jamais été une option mais aujourd’hui, je vis cela comme un fardeau et j’ai l’impression que l’on va découvrir que je ne suis pas si compétent » Ses doutes perpétuels l’épuisent. C’est pourquoi Victor demande un coaching de performance pour apprendre à profiter de sa vie et libérer encore son potentiel.
Les apports du coaching :
Prendre du recul et se voir faire : ce syndrome agit comme « un tyran » dit Louise. C’est la « mouche du coche » dit Victor. En coaching, il est intéressant pour chacun de repérer tous les moments où « le tyran » ou « la mouche du coche » sont présents et à l’œuvre dans leur vie professionnelle. Louise et Victor identifient aussi ce qu’ils parviennent (déjà) à faire, même un tout petit peu, pour repousser les manifestions du syndrome de l’imposteur. En prenant conscience de cela, Louise et Victor aiguisent leur capacité à observer leur propre fonctionnement. Ce faisant, ils découvrent qu’ils peuvent dorénavant décider de faire différemment. Par exemple, Louise remarque qu’elle prend trop facilement des dossiers et qu’en donner plus à son équipe (apprendre à déléguer) lui permettrait de se consacrer davantage à la stratégie marketing qu’elle affectionne. Du coup, elle change de posture et se positionne peu à peu en Directrice au grand étonnement de son entourage professionnel.
Apprendre à se reconnaître et à assumer son leadership : le coaching a ainsi permis à Victor de changer la perception qu’il avait de lui-même. Il regarde maintenant avec bienveillance et joie tout ce qu’il a accompli, il n’a plus « la vue brouillée par cette mouche du coche ». Revenir sur son parcours a eu pour effet d’éclairer « de nouvelles pièces du puzzle que je n’avais pas vues alors qu’elles montraient clairement mes capacités, mes contributions et du coup, pourquoi les partners m’ont coopté » dit-il avec un sourire rayonnant.
Les bénéfices pour l’entreprise :
Dès la réunion tripartite de démarrage du coaching et tout au long de l’accompagnement, leurs managers des coachés se sont engagés à leur donner davantage de reconnaissance de façon explicite, avec des feedbacks structurés qui vont consolider la reprise de confiance en soi. Le coaching les a aussi amenés à revoir la dynamique de confiance dans leurs équipes respectives. En effet, le manager porte une responsabilité clé sur ce sujet de confiance, et très souvent, un coaching (le sien ou celui d’un de ses collaborateurs) le conduit à s’interroger sur ce qu’il fait ou pas pour instaurer la confiance dans son équipe. Ainsi Louise a pu exprimer à son manager qu’elle croyait qu’il ne lui faisait pas vraiment confiance puisqu’il contrôlait toujours en détail tous les dossiers. Il ne modélisait donc pas la confiance et la délégation qu’il attendait d’elle…
Victor a demandé que soit clarifié le processus de sélection des partners et que les critères de sélection soient partagés et discutés sur des bases factuelles. Cela a conduit son manager et les autres senior partners, à prendre conscience que la culture d’implicite du cabinet ne favorisait pas la confiance ce qui impactait négativement la performance collective.
*source de cette enquête : South China Morning Post
Article co-écrit avec Chloé Ascencio