David est nerveux. Il est convaincu que son équipe ne peut pas se tromper : « j’ai recruté les meilleurs de la boite, ça ne peut que marcher ». Son environnement est très complexe et mouvant : « une décision est bonne un jour et le lendemain, elle peut s’avérer inutile ». Alors pour évoluer, comprendre et réussir dans ce contexte de forte pression et de changements permanents, David a constitué son comité de direction avec « tous ceux qui avaient démontré un haut niveau de performance dans ce type de situation ». Pourtant l’équipe patine. David décide de se séparer de certains d’entre eux. Solution classique car on a souvent tendance à croire que les échecs viennent d’une erreur de casting.
Or la personne est rarement le problème…
Pourquoi son équipe où chacun est « haut performer » ne réussit-elle pas ? D’abord car l’équation qui semble simple pour ce dirigeant lui-même brillant ne répond pas à cette logique causale. L’équipe n’a été constituée ni du point de vue de la complémentarité ni du point de vue des liens entre les personnes. C’est une somme d’individualités sans relation de confiance ni synergie. Au fond, c’est comme si l’équipe de David n’existait pas. Il n’y a pas de collectif.
David finit par s’en rendre compte. Il déclenche un coaching de son codir.
L’autodiagnostic du fonctionnement de l’équipe lors des premières séances de coaching montre que les interactions n’existent pas entre la plupart des membres de l’équipe : chacun dans son sillon. Il fait ressortir aussi que certains s’entendent mal du fait d’une concurrence qui s’est insidieusement mise en place pour être…le meilleur. Ces premiers éléments secouent l’équipe. A demi-mots, cette dernière reproche à David de ne pas bien la manager, voire de la mettre en situation d’échec. Heureusement, David s’était s’est préparé à cette remise en cause de son équipe en s’engageant dans un coaching individuel en parallèle de l’accompagnement collectif. Il accueille les feedbacks et démontre à l’équipe qu’il en tient compte en adoptant une posture plus transparente et collaborative favorisant ainsi la confiance entre les équipiers.
L’équipe passe un premier cap : elle comprend mieux ce qui ne marche pas et apprend à se le dire. Ce faisant, des liens nouveaux se créent entre chacun.
Reste encore à passer le cap de jouer la complémentarité dans cette équipe : chacun a besoin d’accepter le regard et les idées des autres personnes sur son périmètre mais aussi de donner son point de vue et ses idées pour les autres. L’équipe a également besoin d’augmenter sa capacité à se voir fonctionner collectivement afin de repérer ce qui peut lui manquer ou nécessite d’être renforcé (prise de recul que l’on appelle « position méta » en coaching). Par exemple, elle réalise que seul David contrôle la communication en interne. Or il faudrait pouvoir collecter plus d’informations sur le marché venant d’autres directions du groupe. De même, la culture managériale est trop faible, faute d’investissement dans le développement des compétences des collaborateurs à vivre et accompagner le changement. Enfin, ils réalisent qu’une culture de silo et d’interdiction du droit à l’erreur au sein de la division se diffuse et est contre-productive. L’équipe envisage des missions plus transverses qui les font travailler encore plus ensemble et de façon collaborative. Elle définit avec David les compétences dont elle a besoin pour mieux travailler. Certains membres du codir rejoignent le processus de recrutement et les entretiens se font à plusieurs.
Enfin, un autre cap à passer pour faire fonctionner l’équipe, c’est la capacité à mobiliser l’intelligence collective. Cela arrive souvent plus tard lors des coachings car il doit y avoir un niveau de confiance suffisante (et pas forcément totale). L’un membre du codir partage lors d’une séance : « je pensais que chacun de nous savait ce qu’il avait à faire ce qui permettait qu’ensemble nous allions réussir. Mais j’en plein d’angles morts dans mon périmètre ! ». Le collectif a besoin de se mobiliser pour soutenir chacun, sans quoi l’intelligence collective ne peut s’activer. Cette solidarité d’autant plus essentielle lorsque l’équipe travaille dans des environnements très complexes. Il s’agit de poser ensemble des hypothèses, de multiplier les regards, créer ensemble et tester des solutions. Une équipe privée de cette capacité à coconstruire à plusieurs, se prive de sa créativité, de la prise de distance et de l’énergie fabuleuse qu’elle impulse. Elle est comme aveugle.
Cela peut paraitre évident avec le recul de l’expérience qu’il est nécessaire, pour constituer une équipe performante de penser à la fois à :
- La complémentarité métier ET relationnelle,
- La constitution de liens solides et de confiance entre équipe
- Créer les conditions pour mobiliser l’intelligence collective.
Pour autant, la réalité terrain montre que cette croyance qu’il suffit d’additionner des « top performers » pour créer une équipe puissante est encore très présente notamment dans les secteurs très innovants ou à haute technologie.
C’est souvent le retour que nos clients nous font : « on le savait au fond de nous, mais on n’arrivait pas à le concrétiser, …on en avait conscience, mais on n’arrivait pas à se le dire et à s’en sortir, à admettre que c’est ce qui nous arrivait ».